La valeur des acquis qu’on a perdus lorsqu’on doit tout reconstruire à Tokyo

La valeur des acquis

Je vous prends cette photo un peu « à l’arrache » pour vous échanger quelques mots ici. Ma tête est complètement en effervescence. Alors je vais écrire spontanément ce qui me vient sans aucune structure de récit.

C’est dingue comme tout est si différent pour moi ici à Tokyo. Même après tant de visites au Japon, je bascule peu à peu de la vision de voyageur à la vision de résident étranger. Je suis en train de reconstruire des acquis dont je ne faisais plus du tout attention dans ma vie bien rangée en France comme par exemple refaire l’équivalent de la carte verte française. Des trucs de base qui, une fois obtenus, on n’y fait plus attention.

Je viens d’aller faire mes classiques démarches administratives pour la carte nationale d’assurance santé par exemple. Cela vient après la carte de résident… le jour où je l’ai eu, je me disais « un si long chemin et enfin cette étape franchie : la carte de résident. »

Je ressens comme une claque qui fait du bien.
Une gifle phénoménale à une vie
peut-être pas assez pimentée à mon goût à Paris.

Ici je ressens l’aventure avec un grand A. Car j’ai TOTALEMENT perdu mes repères.

Imaginez moi aller à une mairie, effectuer mes tâches administratives puis on me demande de me rendre dans une autre immense mairie à Shinjuku (Nicky Larson, le quartier des buildings), j’arrive et tout est en caractères kanjis.

C’est une claque visuelle à chaque fois,
Un défi de s’en sortir,
Plusieurs personnes auraient si peur à ma place,
Mais je l’ai toujours pris comme un jeu.
C’est excitant.

En France, tous les jours je suis mon propre coach,
Je m’auto éduque,
Je me « botte les fesses » pour avancer,
Ici, ce sont les circonstances qui s’en chargent.

Vous connaissez Pékin Express ?
C’est comme ça pour moi mais tout seul
et quasiment tous les jours.

J’ai appris le japonais il y a 10 ans mais j’ai tout oublié.
Comme la barrière de la langue est là,
je travaille mon charisme pour m’en sortir.

Un sourire, un geste, un dessin, bref je dois décupler de créativité pour avancer quand les circonstances me le demandent.

Bref, une fois dans l’immense mairie de Shinjuku Je demande à un agent où est situé le bureau pour m’inscrire à l’équivalent de la Caisse primaire d’assurance maladie en France. Il me répond en japonais. Je ne comprends pas toute sa phrase mais qu’importe. J’ai compris 30% de sa phrase en japonais et ça m’a suffit :

« &-€;:&/@ _____ et c’est au 4ème étage ! _____ /&);:&@& »

Arrivé au 4ème étage, je tombe sur un immense open Space. Ça fourmille de partout. Des fonctionnaires japonais d’un âge avancé et hyper actifs.

Derrière cette entrée : un immense openspace sans aucune cloison

Tout est en kanji, je ne capte rien. J’aurais tant aimé tourner la scène car tout à coup j’ai eu 1000 idées de mise en scène comme au cinéma pour exprimer mon état à ce moment-là ! L’état d’un étranger perdu mais heureux d’affronter la vie. Hélas je n’ai pas la possibilité de le faire…

Je suis reçu par une dame de 50-60 ans peut-être et dotée d’une patience qui m’a perturbé. Elle était souriante, rassurante, à l’écoute et voulait vraiment m’apporter son aide. On ne parle pourtant pas la même langue mais elle a pris le temps pour m’expliquer les démarches et que je me sente bien. C’est un sentiment de gratitude qui m’a envahit.

C’est pourtant si simple la vie. Pourquoi ne pourrait-on pas vivre avec simplement de la gentillesse ?

J’étais habitué à la froideur et le dégoût de la vie de certaines administrations parisiennes. On parle la même langue mais leur gestion, c’est souvent sur un ton expéditif. Parfois, je rajoute une couche d’insensibilité à mon égo pour faire avancer un truc pénible en France. Car je reste concentré sur mon objectif : terminer telle tâche administrative pénible et clore un dossier et tant pis si les bonnes manières ne me sont pas accordées. Je ne dis pas que partout à Paris on est mal reçu. Mais après 23 ans de vie parisienne, je sais comment fonctionne la ville.

Je ressors du bâtiment avec une nouvelle case cochée ✅ sur la longue liste de choses « de base » que je dois terminer.

Je suis là dehors tout seul,
Je lève les yeux au ciel,
Je vois ces rues inondées de néons,
Autour de moi plein de jeunes qui sortent,
Je suis charmé par l’élégance des femmes ici,
Je suis amusé par le style vestimentaire de certains garçons.

Je repense soudain à toutes les étapes que j’ai pu franchir dans ma vie et ça m’a rempli d’émotions.

  • la première fois que je suis venu à Paris tout seul pour effectuer mes études d’ingénieurs,
  • Sans être un génie des maths,
  • Sans avoir allumé un PC de toute ma vie,
  • Avec ma naïveté de jeune stéphanois de 17 ans,
  • Puis la première fois que j’ai décroché un job d’ingénieur,
  • La première fois que j’ai signé un contrat cdi
  • La première fois que j’ai signé mes papiers de mutuelle…


Et aujourd’hui je traverse peu à peu des étapes qui me font revenir à mes premières petites victoires du passé…

Il me reste encore plein d’interrogations.J’ai appris depuis tant d’années la culture japonaise.

Désormais, il me faudra du temps pour m’imprégner d’une vie quotidienne à la japonaise. De comprendre les banalités du quotidien qu’un reporter ne peut pas voir en exploration.

Bon… j’avais envie de vous écrire ses quelques mots écrits sans structure.

Je vais quitter le café où je suis situé pour vous marquer ce que je vis ici et je reviendrai encore vers vous pour certainement 10 000 nouvels étonnements !

David-Minh TRA



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