Un art japonais qui peut vous couper du monde

Le Manga est au Japon, ce que le foot est au Brésil… il est vécu comme une religion. Même en ayant assimilé cette notion avant d’arriver au Japon, ce n’est qu’une fois arrivé sur place que je me suis rendu compte à quel point le manga prend une importance considérable… jusqu’à être considéré comme un véritable mode de vie pour les plus passionnés, qu’on appelle “otaku”.

Kyoto, 18h42, nous sommes au mois d’Août. J’ai passé la journée à visiter de magnifiques temples. J’arrive au centre ville. L’ambiance est très provinciale. J’accroche mon vélo à un poteau et je commence à marcher au bord de la rivière. Il fait beau et à ce moment de la journée, la température commence à s’adoucir à mesure que le Soleil laisse place à la Lune.

P1060913Des jeunes isolés du monde extérieur

18h58. Sur mon chemin, je m’arrête dans une librairie. Je pénètre dans le magasin, il y a 3 étages. On vend des DVD de films japonais ou de concerts de stars JPOP, quelques jeux vidéos et bien sûr plein de livres. J’explore tous les étages 1 par 1 jusqu’à m’arrêter immédiatement au 3ème. C’est l’étage des mangas. La 1ère chose qui me saute aux yeux c’est de voir tous ces jeunes adolescents captivés dans leur lecture. Je traverse une allée, je les vois tous alignés en train de lire. Je sors de l’allée pour me rendre dans une autre, j’en vois des dizaines en train de lire. Personne ne se parle, on entendrait les mouches voler. Cette scène m’a fasciné car j’ai ressenti à quel point ils étaient dans leur bulle.

Le Manga, un moyen de s’évader

23h47, je suis de retour à l’auberge. En compagnie d’un ami globe trotter qui partage ma chambre, je voulu partager mon expérience avec les propriétaires, Mr Mitsumasa Toda et Mme Atsumi Nishimura.

David-Minh :
“Partout où je vais, j’ai remarqué que le manga était presque vécu comme une religion au Japon.”
 
Mr Mitsumasa Toda : 
“Oui, c’est un véritable phénomène social ici”
 
David-Minh :
“A Tokyo, j’ai vu des jeunes qui en lisent dans les combinis (supérettes) même à 3h du matin ! cet après-midi, j’ai en vu encore plein qui passent des heures à en lire. Pouvez-vous me parler plus en détail de cette culture ?”
 

“[…] De cette pression (ndlr : à l’école ou au travail) naît le besoin naturel de s’évader […] à travers des récits qui les transportent dans un autre monde”

Nous avons échangé pendant des heures sur le sujet. Mr Toda et Mme Nihimura m’ont expliqué que les japonais “subissent” une vie assez stricte que ce soit à l’école ou au travail. Le port de l’uniforme tout comme le classique costard / cravate / chemise blanche est une bonne illustration de cette rigueur. De cette pression naît le besoin naturel de s’évader, de décompresser et surtout à travers des récits qui les transportent dans un autre monde où toutes les règles sociales japonaises s’envolent. J’ai mieux réalisé pourquoi les japonais vivaient autant dans les extrêmes. Ils sont capables d’être très perfectionnistes à l’école ou au travail et en même temps, mener une vie complètement déjantés dans leur vie personnelle : vivre dans la peau de quelqu’un d’autre dans le cosplay, s’évader à travers le récit d’un héros… etc. Les mangas sont si bien travaillés qu’ils captivent le public. Ils apportent de l’évasion, du rêve et certains d’entre eux permettent d’avoir une vision de la société dans laquelle ils vivent.

Mon point de vue

Moi-même, je n’ai pas lu beaucoup de Mangas. Je n’ai connu que Vidéo Girl Aï à mon adolescence. Un manga où je me suis complètement reconnu dans le personnage principal. Ce que je retiens de cette passion parfois excessive, et cela s’applique aussi pour toutes les passions pour d’autres activités, c’est qu’elles isolent toutes communication humaines. J’aime beaucoup le comportement des japonais à mon égard. Mais j’ai ressenti très souvent une certaine retenue, une certaine timidité qui freine parfois les relations. Cette sensation, je l’ai ressentie surtout à Tokyo, une ville peuplée de 37 millions d’habitants et où je n’ai jamais vu autant de personne seule… isolée, dans leur bulle. L’exemple le plus triste que j’ai pu découvrir était la vie des japonais dans une situation précaire et vivant dans des mangas kissa : une forme d’hôtel pas cher où vous pouvez vivre cloisonnés dans une minuscule chambre, isolé du monde extérieur avec un ordinateur, un canapé et des mangas à lire. Et bien sûr, personne ne se parle… J’adore le Manga et je le considère comme un Art à part entière. Cependant, comme toutes activités passionnantes et chronophages (les jeux vidéo par exemple), je trouve que ce phénomène captive parfois excessivement l’attention des gens et ne permet pas aux plus accros de se sociabiliser.

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